Interview CABINES Pologne: Qu’est-ce qu’un spa aujourd’hui?

1. Qu’est-ce qu’un spa aujourd’hui? Est-ce qu’un peu d’exotique, une musique relaxante et des bons produits c’est assez pour creer un “spa”?

C’est vrai qu’il est parfois difficile de s’y retrouver avec le développement très rapide des Day Spas, Hotel Spas, Destination Spas, MediSpas, Club Spas… La folie du Spa aux USA est telle que des toiletteurs pour chiens deviennent des « Dog Spas », des nettoyeurs de voitures s’appellent désormais des « Car Spas » et des dentistes se transforment en « Dental Spas » !

Une étude du SRI pour le Global Spa & Wellness Summit estime que le marché du Spa génère dans le monde 60 milliards de dollars US, avec plus de 100.000 « spas » sur la planète, la grande majorité apportant des services professionnels de massages corps et de soins du visage pour améliorer le bien-être au plan physique, émotionnel et psychologique. Il existe malheureusement encore trop d’établissements qui ont simplement des cabines de massage, éventuellement une douche, qui s’appellent « spa » parce que c’est un mot compréhensible dans toutes les langues pour évoquer le bien-être et les massages.

 

Pour être authentique par rapport aux origines historiques (Sanitas Per Aqua), un SPA doit proposer des soins d’eau et on trouve souvent :

  • des expériences aquatiques avec un bain bouillonnant (Hot Tub) ; ou une baignoire avec des jets hydromassants avec des huiles essentielles ; une installation de type Kneipp pour améliorer le retour veineux (ou un bain froid, « cold plunge » ; ou un bassin avec des animations aqua-ludiques (jets massant, col de cygne, nage à contre-courant…)
  • des expériences liées à la température : saunas de différentes températures (et même des saunas à infra-rouge), hammam, ice fountain et voire des « ice sauna » (comme des grands réfrigérateurs !)
  • une salle de repos pour favoriser la déconnection des clients (simple salle, ou salle avec lumière de Wood, water-beds…)

 

Suivant la localisation, les Spas proposent des soins détoxifiant, amincissant ou reminéralisant avec des gommages et enveloppements.

Donc, certains Spas investissement massivement dans l’Architecture, le Design et l’équipement, ce qui fait VENIR les clients attirés par une belle photo dans un magazine ou sur internet. Mais ce n’est plus suffisant…

 

Selon moi, ce qui distingue les bons Spas des mauvais et ce qui fait REVENIR les clients ce sont 3 valeurs essentielles : Service – Personnalisation – Attitude.

Dans les marchés mûrs, très concurrentiels, le geste technique d’une prestation (proposer un massage, un café, réparer une voiture…) peut être réalisé par tous les concurrents, plus ou moins bien, pour plus ou moins cher. La prestation devient une « commodité », et 67% des clients insatisfaits dans un Spa trouvent qu’ils ont payé trop cher pour la valeur perçue (il y a souvent une déception dans le rapport Qualité/Prix). Pour se distinguer des concurrents, il est essentiel de comprendre que notre métier n’est pas simplement de faire un massage, un soin visage ou une mani/pedi… notre métier et d’enchanter les clients, de leur faire vivre une expérience mémorable dont ils parleront à leurs amis et collègues. Pour cela, il faut savoir leur rendre SERVICE, comme par exemple :

  • disposer d’un voiturier les jours de grande affluence lorsque l’on est situé en plein centre-ville avec peu de places de parking à proximité ;
  • offrir la présence d’une puéricultrice le mardi matin et jeudi matin pour permettre aux jeunes mères de venir passer 2h30 de soins pendant que leur bébé est surveillé par une professionnelle ;
  • envoyer un chauffeur chercher une très bonne cliente avec ses 3 amies pour une soirée découverte VIP avec mini-soins experts, conseils et coupe de champagne…)

La PERSONNALISATION est essentielle, car les clients payent souvent plus cher un soin sur-mesure (au lieu d’un soin classique) ; ils sont sensibles à ce que vos peignoirs et pantoufles n’aient pas une taille unique mais Small, Medium et Large (voir EXTRA Large dans certains cas) ; et de plus en plus de Spas proposent à leurs clients de réserver leur prochain soin de 60 ou 90mn trois semaines à l’avance sans savoir si ce sera un soin visage, un Deep Tissue, une Réflexologie plantaire, un Lomilomi ou un massage planant/relaxant aux huiles essentielles… c’est un RdV « surprise » dont le soin sera choisi le jour du RdV en fonction de l’état et des besoins du client. Avec cet élément de « surprise », il y a une notion d’anticipation et de plaisir chez les clients qui reviennent trois semaines après et attendent le verdict ou la recommandation de l’esthéticienne qui reprend son rôle d’experte-conseil.

Enfin, l’ATTITUDE de l’équipe est essentielle, car 57% des clients qui ne reviennent pas dans un Spa sont déçus par l’attitude du staff (souvent jugée froide et distante, ou hautaine et prétentieuse). Ce sont ces valeurs que l’on retrouve dans l’hôtellerie qui nous ont données envie avec la European Spa School de proposer une formation à Varsovie à la « SPA HOSPITALITY » pour les Réceptionnistes, Esthéticiennes et Spa thérapeutes qui veulent découvrir et maitriser les Best Practices internationales pour plus fidéliser leurs clients.

 

1390914955booster1Comme vous le voyez, une décoration un peu exotique, une musique relaxante et des bons produits ne sont plus suffisants pour créer un “spa”. Il faut délivrer chaque jour cet esprit de Service surprenant et rafraichissant, permettre aux clients de Personnaliser leur expérience sur-mesure (pour un petit supplément) et développer l’Attitude qui permet aux clients de se sentir « mieux que chez eux » avec l’envie de revenir rapidement !

 

2. Quelle est la différence entre l’équipe au spa et celle au salon de beauté?

Le système de formation classique dans les écoles d’esthétique fait que des esthéticiennes et des réceptionnistes peuvent se retrouver dans leur carrière à travailler dans des instituts de beauté et dans des spas. Donc à la base, la formation technique de soin peut être la même. Ce qui change dramatiquement, c’est le type de CLIENTS qui vont :

  • dans un institut (clientèle à 95% féminine, et seulement 2 femmes sur 10 en moyenne suivant les pays, pour une prestation d’entretien de leur beauté : en majorité soin visage, épilation, mani/pédi, teintures de cils…)
  • ou dans un Spa pour une prise en charge émotionnelle qui va au-delà de la simple prestation (35 à 50% d’hommes, et des prestations à 70% des massages bien-être ou exotiques).

 

Attention toutefois aux généralisations : il existe d’excellents instituts haut de gamme qui ont une qualité de service et de prestations exceptionnelles, et il existe aussi des « spas » qui proposent des massages à la chaine, pas cher, sans notion de service client.

Mon conseil pour toutes les professionnelles du bien-être qui travaillent en institut ou en Spa, c’est de continuer à se former aux meilleures techniques des Best Sellers des massages comme le DEEP TISSUE 3D (Deep, Deeper & Delight), le Relaxant/Revitalisant… et le Lomilomi, Balinais et Abhyanga en fonction du dosha de chaque client (Vata, Pitta ou Kapha). Il y a 10 ans, on pouvait avoir l’excuse de faire aussi bien que possible, avec des techniques approximatives car les clients avaient peu d’expériences dans les soins. Aujourd’hui les clients sont TRES exigeants et s’ils ont l’impression d’en savoir plus qu’une réceptionniste, ou d’avoir été juste « papouillé » par une masseuse, ils ne reviendront plus.

Il est aussi essentiel de comprendre quelles sont les techniques pour augmenter la perception de valeur chez les clients avec des attentions personnalisées pour éviter qu’ils ne demandent toujours et encore des réductions ; et surtout des techniques pour augmenter les ventes additionnelles. C’est ce que nous appelons le « SPA RETAIL », une formation bientôt disponible à Varsovie, pour dédramatiser l’acte de recommander dans l’esprit des esthéticiennes, d’enrichir leur discours pour le rendre plus intéressant, plus engageant, et d’ajouter la notion de Plaisir pour les clients et pour l’équipe.

Avec l’explosion du marché du Spa dans le monde entier, le métier d’esthéticienne est devenu plus technique (dans les massages) et plus riche (dans la relation client), il est donc essentiel de continuer à s’informer (dans les magazines et les salons ou conférences professionnelles, comme le European Spa Kongress) et à se former aux nouvelles méthodes… sinon, quel ennui de voir chaque jour être semblable au précédent et de se plaindre de voir de moins en moins de clients…

 

3. Est-ce que les spas concurrencent des salons de beauté ?

Absolument, toutes les journalistes Beauté et Lifestyle des magazines grand public parlent des Spas dans leurs pages (Design sublime, nouveau soin Signature, offre d’activités wellness…) et l’image des instituts de beauté a pris un coup de vieux !

En plus, les Spas durant la crise ont commencé à proposer aussi les soins classiques des instituts pour rendre service aux clientes et les faire revenir plus souvent (épilations, cures minceurs, mani/pedi, teinture de cils…)

Face à cette vive concurrence des Spas qui attirent les femmes et de plus en plus d’hommes (donc les couples pour des soins en Duo), les instituts de beauté essaient de se former à des techniques de massage.

 

4. Comment le marché des spa réagit à la crise?

Les mauvais spas ont voulu continuer à faire du chiffre d’affaire coute que coute et ont multiplié les « Deals » en proposant des massages à -70 ou -80% pour attirer de nouveaux clients. C’est nouveaux clients, souvent « chasseurs de primes » sont difficiles à fidéliser, surtout qu’ils aiment découvrir à chaque fois un nouveau spa, un nouveau soin.

Les Spas qui s’en tirent le mieux sont ceux qui se concentrent sur la qualité pour aller au-delà des attentes des clients. Ils se posent vraiment la question de savoir ce qui les rend UNIQUE par rapport à leurs concurrents directs et indirects (salons de coiffure, et clubs de gym qui proposent aussi des soins en cabine). Ils réfléchissent vraiment aux raisons qui font que leurs clients les plus fidèles reviennent souvent (car les clients réguliers dépensent en moyenne 33% de plus que les nouveaux clients). Et enfin, ils investissent dans la formation de leur équipe pour augmenter la qualité des mains des masseuses (dont certaines deviennent presque des « guérisseuses » au sens traditionnel des « energy healers »), la capacité de leurs réceptionnistes à établir une relation plus riche, plus intime avec leurs clients pour faciliter le rebooking, upselling et cross-selling.

Les spas qui deviennent des références dans leur ville et leur pays, malgré la crise sont ceux qui investissent dans la formation de leur équipe et dans l’éducation de leurs clients en partageant avec eux des techniques pour augmenter leur capital vitalité et sérénité. Par exemple, la tendance n’est plus à l’ « anti-ageing », mais à l’« optimal ageing » : il faut donc s’adapter et accepter de ne PAS faire comme tous les autres (surtout quand les autres n’arrivent pas à s’en sortir !!!)

 

5. Qu’est-ce qu’on peut faire – dans un day spa ou dans un spa hôtelier – pour se protéger contre la crise?

 La crise depuis 2009 a généré des profonds changements dans le comportement des consommateurs. Ces « consommateurs » sont devenus des « consomm’Acteurs » qui veulent PLUS pour MOINS. Ce ne sont pas des inconnus : ce sont des gens comme vous, moi et tous les autres autour de nous.

Je pense fondamentalement que l’on ne peut pas se « protéger » contre la crise. Il y a un proverbe qui dit « Life is not about waiting for the storm to pass, but about learning to dance in the rain ». Les conseils que je peux donner pour inspirer chacun à être courageux pour prendre des décisions originales, pour innover, pour encourager chaque professionnelle à devenir encore meilleure c’est:

  • de réduire son offre pour se concentrer sur la qualité de chaque soin et savoir comment personnaliser chaque expérience ;
  • d’imaginer des nouveaux packages pour des segments précis d’utilisateurs et pas seulement d’avoir une carte de soins trop longue à lire pour tout le monde ;
  • de concentrer son budget marketing et communication sur ses meilleurs clients (les plus réguliers, les plus dépensiers) plutôt que de vouloir attirer n’importe qui à n’importe quel prix ou avec n’importe quelle réduction.

 

Jean-Guy de Gabriac